ORLAN - La chair et l'esprit

Publié le par Miss Cinnamon


ORLAN, artiste inclassable, internationalement reconnue pour son travail sur le corps, a accepté de répondre à mes questions. Retour sur le fond de sa pensée, et sur son actualité à brûle-pourpoint.



Quelle est la part de la spiritualité dans votre création ?

Pour moi, Dieu n’est pas une hypothèse, ni de travail ni de vie. Mon travail est avant tout une réflexion sur le monde où nous vivons, sur notre société et le rapport qu’elle a avec des cultures différentes.

 

Le registre de la provocation, dans lequel on vous situe souvent, est-il volontaire de votre part ? L'art doit-il se situer dans la provocation, doit-il être assumé comme le réveil des consciences ?

La provocation pour moi n’est pas une fin en soi : le fait d’utiliser la liberté et la singularité est souvent interprété comme de la provocation. J’ai travaillé sur les pressions sociales, culturelles, politiques et religieuses qui s’impriment dans les chairs pour ainsi questionner le statut du corps dans la société.

 

 L'artiste doit-il porter l'art dans sa chair ?

Je n’ai de mot d’ordre à donner à personne. Pour ce qui me concerne, mon œuvre interroge les pressions sociales, politiques, religieuses qui s’exercent sur les corps. J’ai pointé comment il a été fait violence aux corps, et en particulier au corps des femmes.


Pouvez-vous me parler de votre travail sur le tissu, notamment par le biais de votre collaboration avec Davidelfin ?

Mon travail sur le corps n’a pas vraiment de rapport avec le tissu, ce sont deux choses différentes. J’avais déjà eu l’occasion de travailler en collaboration avec les stylistes Walter Van Beirendonck et Jeremie Scott. J’ai ensuite entrepris un projet de recyclage de ma garde-robe, que j’ai conservé pendant toute ma vie, avec Maroussia Rebecq d’Andrea Crews, Davidelfin et Agatha Ruiz de la Prada. En 2008, dans le cadre d’une exposition avec le styliste Davidelfin à l’Espacio Artes Visuales (Murcia, Espagne) intitulée « SUTURE / HYBRIDISATION / RECYCLING », j’ai habillé des chaises de Philippe Starck avec ma garde-robe recyclée. Cette exposition a été accompagnée d’un catalogue avec des textes de Rhonda Garelik, Rocío de la Villa, Pedro Alberto Cruz, Michel Serres and Isabel Tejeda (commissaire de l’exposition).

 

Vous êtes une des invités de la Force de l'Art, sur quels projets avez-vous travaillé à l'occasion de cette manifestation ? Pourquoi avoir choisi le musée Grévin comme lieu d'exposition ?


Je suis très heureuse de participer à la Force de l’Art et plus particulièrement d’intervenir au Musée Grévin. Le Musée Grévin est le lieu de la représentation des corps, il présente des corps figés de personnes très connues. Je suis une des artistes françaises les plus reconnues du grand public et j’ai donc choisi de faire une sculpture qui est entre mon corps, et l’ethno-cyber culture. Au lieu d’être figée, cette sculpture produira une réponse interactive singulière par rapport aux spectateurs. Cette œuvre s’appelle Sculpting Brushes prototype lumineux n°1, serie Bump Load et a été réalisée avec des techniques mixtes (résine, aluminium, cellule ultrason, led, électronique programmée, tissu lumineux, fibre optique). Elle est le fruit d’un travail très innovant dans les domaines : numérique par Gaëtan Robillard, sculpture par Sylvain Bossut et Vincent Nevot, lumière par Brochier Technologies et interactivité par Numeriscausa.

 

Votre travail sur les Selfs-hybridations sera prochainement mis à l'honneur à la Rochelle : le virtuel est-il le prochain territoire à conquérir par le corps ?

Mon travail sur les Self-hybridations a été beaucoup exposé, mais je pense que cette série amérindienne trouvera un éclairage nouveau au Musée du Nouveau Monde de la Rochelle.
En effet, il existe trois séries des Self-Hybridations : précolombienne, africaine et amérindienne. La série amérindienne a été crée lors de mon séjour au Getty Research Institute aux États-Unis, c’est une série au croisement de l’histoire de l’Amérique et de l’histoire de l’Art. Ces images sont conçues d’après le travail d’un peintre américain du 19ème siècle, George Catlin. Avant l’invention de la photographie, il a peint un grand nombre de chefs de tribu indiens et leurs épouses, élaborant ainsi un travail d’archivage dans les années 1830. J’ai pris la même pose que celle des portraits de Catlin, et j’ai essayé d’avoir le même regard, puis j’ai hybridé les 2 photos, gardant la texture de la peinture.
Le Musée du Nouveau Monde de la Rochelle possède des œuvres d’Edward Curtis, photographe américain qui a fait un énorme travail d’inventaire sur les amérindiens. La conservatrice Annick Notter a trouvé intéressant d’ouvrir le musée à l’art contemporain et a un autre artiste qui a travaillé sur les Amérindiens.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, je ne pense pas que le virtuel soit contre le réel et réciproquement. Par exemple, actuellement je travaille également avec les biotechnologies. Je ne les conçois pas l’un contre l’autre, je travaille tantôt l’un avec l’autre.


Qu'en est-il du projet du Centre Pompidou d'installer une antenne Pompidou Alma dans les sous sol du Palais de Tokyo ? Quel est votre degré d'implication par rapport au Palais de Tokyo ?

Je suis membre du Conseil d’Administration du Palais de Tokyo et je me suis beaucoup impliquée dans la vie de ce centre depuis ses débuts, lorsque Pierre Restany était le président, puis Maurice Lévy, Jerôme Sens, Nicolas Bouriaud, Marc-Olivier Wahler, qui ont successivement mis en place une programmation extrêmement intéressante et pointue.
Il est normal qu’une énorme friche au cœur de Paris soit attribuée. Cet espace au Palais de Tokyo aura la vocation de présenter des monographies d’artistes français, il sera complémentaire à l’ensemble des espaces du Musée d’Art Moderne, du Palais de Tokyo et du Centre Georges Pompidou-Alma, qui construiront à eux trois un pôle important pour l’art contemporain à Paris.

 

 

Publié dans rencontres

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