Les futurs chefs d'œuvres de l'art contemporain au Salon de Montrouge

Publié le par Miss Cinnamon


Jusqu'au 20 mai 2009, le salon de Montrouge donne la parole à la jeune génération montante de l'art contemporain français. Les propos sont multiples, les moyens d'expressions oscillent entre peinture, sculpture, installation, vidéo, photo, le tout dans un foisonnement créatif haut en couleur.


Les influences sont palpables mais l'indépendance du langage est bien présente. Les futurs chefs d'œuvres de l'art sont là. Certains d'entre-eux se sont exprimés pour nous. Petit florilège de ce qui se fera dans le monde de l'art contemporain.

Je déambule au cœur du Salon de Montrouge. Au sein du Pavillon Arson, je tombe en arrêt sur une chaise étrange, percée, plantée devant un écran, et reliée à un cube transparent où s'allume une lampe lorsque l'on s'assied. J'ai demandé à son concepteur, ou plutôt à ses concepteurs, de m'en dire un peu plus.

Loïc Pantaly :  Je suis étudiant à la Villa Arson et je fais partie en même temps de la Fondation de l'Ordre du Surveritisme, avec Basilio Andric, et Maxime le Tulzo. Nous travaillons principalement sur le principe d'une gestation, d'une naissance par le processus créatif. Vous pouvez voir ici cette installation qui se nomme Principe N° 17 car il s'agit de notre 17ème projet. C'est une machine qui pourrait permettre de pondre des œufs : sur l'écran placé devant le spectateur, des images subliminales incitent l'organisme du spectateur à pondre. On comprend très vite que le processus ne peut pas marcher ; Les machines que nous fabriquons sont sans doute vouées à l'échec mais nous travaillons sur cette idée de gestation. Toutes les œuvres que nous faisons sont survéritistes, c'est notre signature. On réalise plusieurs projets accompagnés de schéma contre le mur, qui expliquent cette filiation d'idées.


Pouvez vous me présenter la Fondation de l'Ordre du Surveritisme ?

Basilio Andric : C'est un mouvement créé en 2003, dont le Manifeste est affiché sur ce mur. L'initiative est venue de Loïc Pantaly, le Patriarche, Maxime Le Tulzo, le Théoricien, et moi même, qui suis le Fondateur. Cela a commencé à Marseille, à l'école des Beaux-Arts. Nous avons chacun une démarche personnelle, avec une corrélation qui nous lie. Petit à petit d'autres ont intégré le groupe : il y a deux artistes urvéritistes qui s'appellent Éric Magarian et Gaston Diridollou ; et aussi le Médiateur et Conseiller en survéritisme, qui s'appelle Simon Balleyguier. 
Chacun est libre de sa démarche, le survéritisme est vraiment un prétexte à la création. Chacun a un parcours différent, et tous les média sont représentés : je suis graphiste de formation, mais je travaille aussi sur la photo, le volume, et j'ai également un travail littéraire d'accroche, dans la rédaction de slogans percutants et provocateurs. Maxime le Tulzo est plus dans la performance, tout comme Simon Balleyguier qui travaille sur la danse, le théâtre, la situation corporelle. Loïc, lui,    est vraiment dans le volume, la vidéo et l'installation, l'aménagement de l'espace.

LP : On critique également beaucoup l'individualisme. On s'est dit, pourquoi ne pas travailler sur ce genre d'individualités ?

BA : Oui, pourquoi ne pas rejoindre les anciens groupes comme le surréalisme, par la doctrine, par la rédaction d'un manifeste et la terminaison en -isme ? Avoir un regard un peu critique, être dans la dérision par rapport à l'histoire de l'art, par rapport à ce qu'est l'art contemporain aujourd'hui, c'est-à-dire quelque chose de très formel.


Pourquoi s'attribuer des fonctions au sein de l'Ordre ?

LP : Cette démarche a été décidée par rapport à la notion de peuple. Le mot « survéritisme » est assez doctrinaire.

BA : oui, assez institutionnel. Nous sommes dans une époque de marques, donc c'est un jeu d'avoir une étiquette, une marque sérieuse et doctrinaire, alors qu'en réalité notre démarche est très libre. C'est une démarche absurde, avoir une attitude sérieuse pour pouvoir mieux « être con ».


Comment s'est passé l'aménagement du Pavillon Arson ?

LP : C'est Arnaud Labelle-Rojoux qui a sélectionné librement 15 artistes de 5ème année, pour ce salon. Nous voulions que tous les étudiants de 5ème année soient représentés, ça n'a pas été possible malheureusement.


Pourquoi avoir choisi le projet N°17 ?


LP : Je voulais quelque chose qui soit plus en retrait par rapport au côté formel de la Villa Arson, laquelle j'essaye plus ou moins de m'adapter. Je voulais vraiment un endroit où les gens soient en intimité devant la machine. On va mettre un petit panneau pour que les gens n'aient pas peur de s'asseoir !


Je reprends ma sainte pérégrination, les yeux hors de ma poche. Des œuvres ludiques, décalées, attirent mon attention : celles de Théo Mercier ; notamment Écouter de la merde, une installation ou une crotte en plastique tourne sur une platine, ou encore les ready-made spirituels de Eve Servent, notamment un crucifix reconverti en Lance-pierre. L'esprit dérisoire qui se dégage de sa création invite tout à la fois à sourire et à désespérer. Ainsi des peintures de Jiayi Song, qui inspirent effroi et frisson, stupeur et tremblement : on se surprend à contempler, respectueux, ces images monumentales de têtes d'animaux jaillissant de costumes traditionnels asiatiques.


Cependant, si une œuvre peut impressionner tout particulièrement, c'est bien celle de Fabrice Parizy, 7 collines. Installée discrètement dans un coin, presque oubliée, elle combat l'abandon et la solitude par sa monumentalité horizontale. On croit voir un paysage lunaire réalisée en bûchettes, avec des reliefs, des creux, des bosses mystérieuses. Ce paysage aride est presque une réponse à une autre œuvre, renversante cette fois dans sa verticalité : The small illusions, de Boris Chouvellon, composée de trophées sportifs que l'artiste a collé les uns aux autres afin de constituer une série de pilastres/ étais scintillants et pourtant dérisoires, reflets de leur propre vanité.


Laurent Parizy, pouvez-vous me parler de 7 collines ?


L'œuvre a été réalisée pour la Biennale internationale de Design de St-Étienne, dans le cadre du off. C'est un paysage de la ville, où j'habite encore maintenant, travaillé selon le relevé topographique. L'œuvre est composée de plaques de 6mm en médium (bois et résine), assez solides mais fines, assemblées, manchonnées les unes dans les autres. Mon travail se conçoit comme une activité in situ : souvent je réalise une pièce en fonction d'un lieu ou d'une situation. J'ai réalisé récemment une pièce au château de Kerpaul (en Bretagne) où j'ai réalisé des extrusions sur le carrelage d'entrée, un damier noir et blanc, comme si on avait déformé tout le sol. Ma création s'inscrit très souvent dans un lieu, auquel ma pièce fait écho. Je travaille souvent  le volume, l'installation, le relief.


Quel est le destin de vos pièces ? Sont-elles toutes vouées à disparaître ?

Elles disparaissent presque systématiquement. 7 collines est une de mes premières pièces qui se déplace autant. Cela ne me pose pas de problème, tant que l'œuvre ne dépend pas trop de son contexte, ici la pièce est un peu plus autonome. Même si il s'agit de St-Étienne et de ses sept collines, fondamentalement cela reste un paysage. Je n'aurais pas pu déplacer le carrelage du château de Kerpaul, il n'aurait eu aucun écho avec ce lieu.


Quels sont vos projets après Montrouge ?


Je suis souvent en mouvement : mon cursus de beau-arts est  assez compliqué, j'ai fait trois ans de Beaux-arts avec un diplôme de peinture à Reims, puis j'ai fait une quatrième année à St-Étienne. Enfin j'ai fini en recommençant trois ans de Beaux-Arts à Paris en 2004 ! Je dois participer à la Biennale de l'estuaire à Nantes, et je prépare également quelques autres projets, pas encore très bien définis. J'ai assez peu de travail d'atelier, mais par contre beaucoup de croquis, de dessins, d'idées que je mets sur papier. Souvent ce sont des gens qui ont vu mes expositions qui m'invitent en un lieu, et qui provoquent de nouvelles pièces chez moi. Je me déplace avec mes outils, et je travaille là-bas 15 jours, un mois... La résidence d'artiste est une évidence pour moi.

[Visuels : Eve Servent, Lance-pierre, Boris Chouvellon, The Small illusions, Jiayi Song devant sa toile The War, travail de Laurent Parizy au château de Kerpaul]


> 54ème Salon d'art contemporain de Montrouge : Stéphane Corréard et Arnaud Labelle-Rojoux


Publié dans art contemporain

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