Jean-Philippe Lefèvre – La passion des bulles

Publié le par Miss Cinnamon


Jean-Philipe Lefèbvre présente la seule émission du PAF consacrée à la BD, « Un monde de bulles », sur Public Sénat, une chaîne de la TNT. Il revient sur son parcours et sa passion.



Quel est votre parcours ? D'où vous vient cette passion de la BD ?

Je suis journaliste depuis 12 ans, j'ai commencé par un journalisme « classique » où j'abordais beaucoup de thèmes différents. Puis j'ai été amené à travailler pour Public Sénat, il y a un peu plus de neuf ans, avant le lancement de la chaîne. Les recruteurs recherchaient des journalistes assez jeunes, sans grande connaissance politique, pour avoir une regard neuf.
J'ai fait mes preuves et Jean-Pierre Elkabbach, le fondateur de la chaîne, m'a nommé responsable de l'antenne il y a cinq ans, au moment de notre arrivée sur la TNT. C'était une étape très importante :  notre vraie rencontre avec le public. À cette époque, Jean-Pierre Elkabbach m'a demandé de trouver des idées d'émissions. Étant passionné de BD depuis tout petit – j'ai appris à lire dans les Gaston Lagaffe, et dans les Léonard - je me suis dit pourquoi ne pas le faire aborder la BD dans une des ses émissions littéraires, « Bibliothèque Médicis ». Au début ça l'a un peu rebuté, parce qu'il ne connaissait absolument rien en bande dessinée. Je ne sais même pas si il est féru de Tintin ou Astérix... Au final il a accepté de faire venir des auteurs, mais par contre il a insisté pour que je reste avec lui en plateau, pour l'aider. Nous avons donc fait venir Tardi, Moebius, Sfarr, Ferrandez...

Cette version de « Bibliothèque Médicis » a plu aux invités, a bien fonctionné au niveau des spectateurs, nous avons eu pas mal de retour en ce sens. Paradoxalement,  la presse, qui évoque très peu la BD, s'est un peu emballée en nous félicitant d'aborder ce sujet. Quelques mois après, ça a fait tilt, j'ai eu un mois pour monter l'émission, et ça a donné « Un monde de bulles ». Au départ, nous avons commencé tout petit, puisque nous avions deux émissions de 15 minutes par mois. À présent, on a une émission de trente minutes chaque semaine, une chronique dans Métro, des partenariats un peu partout. On est devenu, sur une chaîne politique, une des références de l'actualité BD.


Qui détermine la ligne éditoriale de l'émission ?


C'est moi qui décide de tout ; le parti pris de Jean-Pierre Elkabbach était de me faire confiance dans les thèmes que j'aborde, les BD que je choisis, les auteurs que je reçois. On me critique parfois car je ne présente que les BD que j'aime, mais je n'ai que 30 minutes par semaine, ce qui est très peu vu le nombre de bons albums qui paraissent ! Et je ne vois pas l'intérêt de recevoir les gens que je n'aime pas ;  je préfère mettre en avant les choses que j'aime, qu'elles soient populaires, ou plus pointues. J'ai la chance de recevoir tous les albums qui sortent, et d'estimer ce qui va plaire aux gens ou pas.
Je trouve ça formidable de donner un visage à un nom. Je pense qu'Albert Uderzo, que je vais rencontrer pour une « spéciale », peut se balader dans la rue, personne ne le reconnaîtra, alors qu'il a vendu 450 millions d'albums d'Astérix. Sans doute autant qu'Elvis Priestley ! L'essentiel est de donner un visage pour que les gens découvrent, derrière ce style graphique, ce type de scénario, quel humain se cache, avec son caractère et ses passions.


Dans quel esprit a été conçue l'émission ?

L'avantage de travailler à Public Sénat, c'est qu'on ne fait pas appel à Médiamétrie pour savoir notre taux d'audience. Médiamétrie est utile aux personnes qui doivent expliquer à leurs annonceurs leurs résultats, afin de leur vendre un espace de publicité. Sur Public Sénat,  il n'y a pas de publicité, donc on n'a pas besoin d'annonceurs et de chiffres. Que je fasse 300'000 ou 500'000, selon les week-ends, ça ne me perturbe pas outre mesure. Donc, dès le début, nous sommes partis la fleur au fusil. Nous nous sommes dits: « Qu'est ce qui existe ? Rien. Tant mieux, on va tout inventer en format  télévision ». Ce qui est bien avec le média télé, surtout avec la TNT, c'est que nous touchons toutes les strates de la population. Quand je regarde les premières émissions, je souris car je n'étais pas à l'aise devant la caméra, et j'avais des questions plus que bateau envers les auteurs.



Pensez-vous contribuer à l'évolution du regard français sur la BD ?

Ce que j'espère, c'est avoir approché un public qui dénigrait la bande dessinée et qui aujourd'hui la regarde différemment. Je suis acteur de cette évolution, grâce à une période qui constitue pour moi « l'âge d'or » de la bande dessinée aujourd'hui, avec  la possibilité de trouver en grande surface ou en librairie des albums à forts tirages, médiocres ou géniaux, et des pépites plus confidentielles, qui nous font passer des moments extraordinaires. En proposant à la fois des auteurs très connus, et d'autres pas du tout, on peut réconcilier une partie de la population qui pense que la bande dessinée est faite pour les grands adultes attardés. En leur faisant découvrir des talents extraordinaires, des peintres, des écrivains au sein-même de la bande dessinée. Des gens grâce auquel le neuvième art porte aujourd'hui son nom.


Vous êtes donc convaincu que la BD est un art ?


Je pense qu'on peut utiliser deux formules, la BD est un art, mais c'est aussi « de » l'art. J'ai le sentiment que certains auteurs contemporains, surtout les dessinateurs, seront exposés dans des galeries et seront vendus aux enchères,  de plus en plus. On les considérera comme des artistes contemporains aujourd'hui, et classiques dans plusieurs décennies. Dire ça aujourd'hui peut faire sourire certaines personnes. Mais je pense que si on accrochait certains tableaux d'auteurs de bandes dessinées au Louvre, si on trichait sur les cartels en faisant figurer par exemple « 1830-1850 », les visiteurs ne verraient pas forcément la différence. J'ai rencontré des auteurs, russes, polonais, italiens, qui créent leur propre écriture graphique. Enki Bilal, par exemple, est l'un des auteurs le plus connu dans son écriture graphique. Au delà des frontières, sur n'importe quel continent, le lecteur peut se dire « je reconnais ça », comme on reconnaît un Matisse, un Monet, un Van Gogh.

Les auteurs créent quelque chose qui touche les gens de manière personnelle ; la bande dessinée réussit ce pari insensé de donner de l'émotion aux gens en traitant des sujets de société avec une liberté réelle.  J'ai rencontré des galeristes qui m'ont fait découvrir des auteurs très talentueux, qui vendent pas ou très peu. Je peux les comparer aux grands maîtres de la peinture, inconnus de leur vivant, morts dans l'anonymat, et aujourd'hui les plus grosses ventes du marché. Beaucoup d'auteurs mettent un an et demi, deux ans à faire un album, vendent peu, vivent à peine, survivent dans des studios minables à Paris, mais sont heureux par leur création. Pour se faire reconnaître en peinture, c'est aussi très difficile, il faut créer, être soutenu par des mécènes ou des fondations, et ensuite être exposé. Donc ça limite le nombre d'artistes qui peuvent rencontrer un public. La bande dessinée coûte moins cher à la production : les auteurs sont donc moins valorisés que les peintres, mais si ils peuvent  rencontrer 5'000, 10'000, 20'000 lecteurs, c'est extraordinaire. Leur art est partagé par le plus grand nombre.
Mais la bande dessinée est aussi un art populaire, comme peut l'être l'artisanat. C'est-à-dire que les auteurs sont encore dans un travail traditionnel, seuls, chez eux face à leur planche.
 

La BD est-elle enfermée dans des codes liés au pays qui la produit et la distribue ?


Non, justement, non. Il y a des recettes pour faire des bandes dessinés qui marchent, bien que cela ne soit pas toujours efficace ! Je connais des auteurs qui pensent avoir trouvé une recette, et qui se plantent en beauté. D'autres au contraires ont des ambitions plus modestes, et leur album marche très fort. Certaines grandes maisons d'édition gagnent beaucoup d'argent avec une démarche commerciale ; ça ne me dérange pas car d'une part on ne force pas les gens à acheter, et d'autre par cela permet de sortir des BD à petits tirages, qui s'adressent à un public plus restreint. C'est pour ça que je mélange dans mes émissions tous les talents et toutes les ventes. Je ne dénigre pas les gens qui vendent beaucoup.

Je pense qu'en dehors de la Belgique et de la France, les autres pays sont massivement défavorisés. En Belgique, la situation est encore meilleure qu'en France, puisque là-bas la BD est une institution, voire une religion pour certains :  Tintin ou Astérix, c'est comme Johnny Halliday ou Michel Sardou  pour certaines personnes !
Les trois plus grosses ventes de BD sont classées au Japon, aux États-Unis et en France. Aux États-Unis, ça n'est que du comics, au Japon que du manga, en France, on trouve du manga, du comics, et de la BD franco-européenne. On a peut être plus d'ouverture d'esprit artistique que les deux autres pays : la France, c'est l'eldorado des auteurs.


Aujourd'hui « Un monde de bulles » est-elle l'émission que vous souhaitiez faire ? En attendez-vous encore autre chose ?

On attend toujours autre chose. J'essaye au maximum d'élargir à la culture en général. Dès que je peux évoquer un sujet autour de la BD (illustration, théâtre, peinture, cinéma), je le fais, je n'ai pas envie de laisser la BD dans un carcan particulier. Les gens qui lisent de la BD ont d'autres passions, ils sont normalement constitués.
Si j'avais la possibilité d'avoir une émission culturelle dans laquelle je pourrais mélanger la musique, le cinéma et la bande dessinée, ce serait génial. Mais je ne peux pas me plaindre, j'ai une émission sur une de mes passions, c'est super. Savoir que des auteurs prestigieux ont traversé la moitié de l'Europe pour participer à l'émission, je le reçois avec beaucoup de respect et d'humilité.



Publié dans rencontres

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F
<br /> Bon, j'interviens ici parce que je cherchais de la critique sur ce type qui m'insupporte.<br /> <br /> D'abord, il est drogué, c'est flagrant( je crois même qu'il était défoncé lors de son émission à Auschwitz!! )<br /> Ensuite, ses commentaires sont nul et sans intérêt (On sent souvent que les invités sont consternés face à ses propos!).<br /> Enfin, il est partial, à l'écœurement (ex: lorsqu'il a reçu jodorovsky,( qui n'est pas si génial que ça ex: sa série des technopères..) il lui a littéralement le derrière en passant par le<br /> scrotum)ce qui me fait penser au fait qu'il est le pote d'Elkabach (pote des grands éditeur)et qu'il ne sert simplement que la soupe qu'on lui donne. Bref son émission est une pub déguisée qui<br /> passe sur la chaîne parlementaire.<br /> <br /> <br />
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